Climat

Monsieur Fillon, le nucléaire ne fait pas rouler les voitures !

Greenpeace s’insurge contre l’idée absurde et saugrenue de construire un nouveau réacteur nucléaire EPR en réponse à la crise du pétrole, avancée par le Premier ministre François Fillon, invité de l’émission À vous de juger, jeudi 12 juin, sur France 2. « François Fillon et tous ceux qui présentent le nucléaire en réponse à la crise du pétrole ne savent pas que le nucléaire ne produit que de l’électricité. Ou alors, ils se moquent des Français au lieu de répondre à leurs inquiétudes concernant la flambée du prix du pétrole et leur pouvoir d’achat », déclare Frédéric Marillier, de Greenpeace France. Greenpeace tient à rappeler quelques vérités au Premier ministre…

Pétrole et atome ne sont pas interchangeables. Les besoins couverts par le nucléaire ne concernent donc que l’électricité, soit environ 17 % de la consommation d’énergie en France (2 à 3 % au niveau mondial). Il est inopérant dans d’autres secteurs fortement émetteurs de CO2. Ainsi les transports, qui représentent plus de la moitié de la consommation française de pétrole. Pour l’instant, le nucléaire ne fait pas avancer les voitures. Et ce n’est a priori pas demain la veille : sur plus de 2 millions de véhicules particuliers neufs immatriculés en 2006, seuls 14 sont électriques.

La déclaration de François Fillon est d’ailleurs d’autant plus scandaleuse qu’elle survient trois jours après que Nicolas Sarkozy a cédé à Angela Merkel au sujet de la réglementation visant à limiter les émissions de CO2 des voitures neuves, que l’Europe devrait voter d’ici la fin de l’année. Le président de la République a accepté un compromis qui reflète davantage les intérêts des constructeurs automobiles européens, et en premier lieu allemands, que le souci de développer le marché des voitures efficaces, peu gourmandes en carburant et faiblement émettrices de CO2.

Pour l’instant, on ne sait pas construire d’EPR. Les deux seuls EPR qu’Areva tente actuellement de construire rencontrent de grosses difficultés. Le chantier finlandais, entamé en 2005, affiche un dépassement budgétaire global de 1,3 à 2,2 milliards d’euros (pour un prix initial de 3,3 milliards) et se sera terminé qu’avec deux ans de retard au moins (2011 et non 2009). Quant à l’EPR de Flamanville (Manche), tous les travaux ont été stoppés jusqu’à nouvel ordre, le 21 mai, sur injonction de l’Autorité de sûreté nucléaire qui avait relevé de nombreuses anomalies et malfaçons. Par ailleurs, pour la première fois, les responsables du chantier ont reconnu devant la Commission locale d’information, qui s’est réunie jeudi 12 juin, que le chantier prenait du retard.

Il existe une bien meilleure solution : l’efficacité énergétique. Experts du Giec, Agence internationale de l’énergie, Union européenne : tout le monde s’accorde à reconnaître que la priorité des priorités, c’est de mettre en œuvre une politique de maîtrise de la consommation d’énergie beaucoup plus ambitieuse qu’elle ne l’est aujourd’hui. L’efficacité constitue non seulement le meilleur moyen de lutter contre les changements climatiques, mais c’est aussi de répondre aux enjeux d’indépendance énergétique et de réduire la facture des ménages et des États.

Faire des économies est bien plus rentable que d’investir dans le nucléaire. Le Rocky mountain institute a ainsi calculé qu’un euro investi dans des mesures de maîtrise de la consommation et d’économies d’énergie permet d’économiser 7 fois plus d’énergie que ne peut en produire un euro investi dans le nucléaire. « Trente ans après les chocs pétroliers et alors qu’elle s’apprête à prendre la présidence de l’Union européenne, la France doit se dégager de son obsession du nucléaire, aussi irresponsable qu’irrationnelle, et faire de l’efficacité énergétique et de la maîtrise de la consommation sa seule et unique priorité », demande Frédéric Marillier.